posté le 05-06-2013 à 00:22:38
DISCOURS DU PRÉSIDENT ALI BONGO ONDIMBA EN FAVEUR D’UNE MOBILISATION MONDIALE CONTRE LE BRACONNAGE
Mesdames et messieurs,
Tout
d'abord, laissez-moi féliciter Donald Kaberuka et la Banque africaine
de Développement d’avoir pris l'initiative quelque peu inhabituelle, aux
yeux de certains, de soulever une question environnementale lors de ce
distingué forum.
Lorsque Donald me l'a demandé, je n'ai pas
hésité à mener le débat sur le trafic d’animaux sauvages, ici à
Marrakech. Comme lui, je suis convaincu qu'il ne s'agit pas seulement
d'un problème environnemental, même si l'atteinte subie par le capital
naturel suffit à elle seule à justifier une intervention des
gouvernements.
Les divers réseaux criminels impliquant la faune
sauvage et la forêt s'élèveraient, selon des estimations, à près de 27
milliards de dollars américains par an.
Aujourd'hui, le trafic
illicite d’animaux sauvages, de bois d’œuvre et de produits de la pêche
est le quatrième plus grand commerce illégal après les stupéfiants, les
êtres humains et les produits de contrefaçon.
Le trafic illégal
d'animaux sauvages, à l'exclusion des produits de la pêche et du bois
d’œuvre, atteint 10 milliards de dollars par an.
Le commerce non
déclaré et non règlementé de produits de la pêche est estimé à pas
moins de 9,5 milliards de dollars par an. La côte occidentale de
l'Afrique est la région la plus touchée du globe et les bateaux de pêche
illégaux sont de plus en plus liés au piratage et au terrorisme.
Le commerce illégal du bois d’œuvre pourrait venir alourdir ces chiffres de 7 milliards de dollars chaque année.
Avec
des prix qui atteignent 60 000 dollars pour la corne de rhinocéros et 2
000 dollars pour l'ivoire, les profits à réaliser sont tellement juteux
que de plus en plus, le commerce illégal de produits tirés de la faune
sauvage est l'œuvre de groupes criminels présents dans tous les pays du
monde.
Une partie croissante de ces profits sert à financer des
conflits civils et des activités liées au terrorisme. En outre, ce
trafic illicite de faune sauvage a souvent des liens avec d'autres
formes de trafic illégal et avec le blanchiment d'argent.
Maintes
et maintes fois, partout en Afrique, nous avons vu des braconniers
s'introduire dans des régions en paix, regorgeant d'atouts naturels, et
ouvrir la porte à une spirale de criminalité et de souffrance qui s'est
terminée en guerre civile.
Ils commencent par tuer les
rhinocéros et les éléphants – les marchandises les plus précieuses.
Ensuite ils se rabattent sur d'autres animaux, sur le bois et les
minéraux. Une fois ces ressources épuisées, les braconniers, qui se sont
accoutumés à vivre de leur fusil, deviennent des voleurs, des bandits,
et finalement des rebelles.
Les pays qui ont perdu le contrôle
de leurs ressources naturelles finissent presque inévitablement à
rentrer dans cette spirale infernale. Aujourd'hui, le crime sur la faune
sauvage est devenu une grave menace pour la souveraineté et la
stabilité de certains de nos pays. Ce qui s'est passé récemment en
République centrafricaine en témoigne.
Qui plus est, le trafic
d’animaux sauvages représente un risque pour la santé planétaire, en
propageant des maladies à la fois aux humains et au bétail ; il détruit
les biens naturels dont dépendent tant de nos citoyens ruraux dans les
périodes de difficulté ; et il décourage l'investissement, freinant
ainsi la croissance de nations entières.
Au cours de ces dix
dernières années, nous avons perdu plus de 60 % de tous les éléphants de
forêt survivant en Afrique. Même dans mon propre pays, le Gabon, le
moins touché de tous, nous en avons perdu près de 20 000 – soit un tiers
de notre cheptel –, essentiellement le fait d'un braconnage
transfrontalier perpétré par des gangs armés jusqu'aux dents.
Comme
ailleurs, aujourd'hui ces criminels n'hésitent pas à tirer sur les
gardes de nos parcs nationaux, bien qu'à ce jour nous ayons réussi à
épargner les pertes humaines que subissent régulièrement d'autres pays.
Mon
gouvernement prend des mesures décisives pour restaurer l'ordre, mais
nous ne pouvons pas résoudre ce problème seuls. C'est un problème
planétaire, qui nécessite une solution planétaire. Tant les pays sources
que les pays consommateurs doivent collaborer à réduire la demande et à
restreindre l'offre de produits animaliers illicites.
Nous
devons agir à l'échelle nationale, régionale, continentale et mondiale,
dans un effort concerté. Il faut que nous renforcions nos institutions
chargées de la faune sauvage et de l'application de la loi, mais nous
devons reconnaître qu'il s'agit d'un problème interministériel,
intergouvernemental qui n'est plus « juste » une question
d’environnement.
Comme me le disait l'autre jour le président tanzanien Kikwete : « Nous sommes attaqués ».
C'est
pourquoi je n'ai pas eu d'autre choix que de me rendre à Marrakech ! En
apprenant que j'allais venir ici parler du crime contre la faune
sauvage, plusieurs de mes homologues chefs d'État m'ont demandé de vous
adresser aujourd'hui un message fort.
Nous
en appelons à la Banque africaine de Développement pour qu'elle lance
un fonds spécial pour les « crises environnementales ». Un tel fonds
nous aidera à former, à équiper et à mobiliser le personnel de divers
services dans le domaine de la faune sauvage et affectés aux parcs
nationaux, partout où prévaut une situation qui menace notre patrimoine
naturel et culturel. Il devrait également constituer une provision afin
de s'occuper des familles des gardes tués ou blessés dans l'exercice de
leurs fonctions ; et aussi destinée à éduquer les enfants dans les pays
sources et les pays demandeurs sur la menace que pose le crime contre
les animaux sauvages pour notre planète.
J'attends avec
impatience de connaître votre point de vue sur ce sujet, et surtout de
travailler ensemble à éliminer le commerce illicite d'animaux sauvages.
Merci.