Un nerf à vif relie Bruxelles et Kinshasa, la Belgique et son
ex-colonie. Un nerf qui, depuis la veille des résultats électoraux en
RDC, secoue les rues de Matonge, le quartier congolais de Bruxelles.
Au-delà de la toponymie - Matonge est aussi le nom d'un quartier
du nord de Kinshasa - c'est surtout l'histoire qui explique cette
agitation commune. Car s'il est vrai que des manifestations anti-Kabila
se sont déroulées dans plusieurs pays - en France, au Royaume-Uni, au
Canada... - il ne faut pas se leurrer: un demi-siècle après la
déclaration d'indépendance du Congo, la Belgique entretient un rapport
privilégié et ambigu avec son ancienne colonie. Manifester contre Kabila
dans les rues de Bruxelles ou de Paris, ce n'est pas la même chose.
A Matonge, ces manifestations ont parfois dégénéré, en créant de
nombreux dégâts. Après les premières explosions de rage incontrôlée, il y
a eu des actes de vandalisme gratuits de jeunes qui, très probablement,
se moquent du sort de la RDC comme de l'an quarante. Ensuite la
situation s'est partiellement calmée, même si l'on craint de nouveaux
affrontements entre manifestants et police lors de la proclamation
officielle de la victoire de Kabila, samedi 17 décembre. Et tandis que
les plaintes se multiplient (plaintes des commerçants suite aux dégâts
subis, plaintes des manifestants matraqués par la police, plaintes à l'egard de
certains belges qui, sur Internet, débitent des commentaires teintés de
racisme), il est bon de rappeler quelques faits.
Le 13 décembre, selon le quotidien Le Soir, le ministre congolais
des affaires étrangères Alexis Thambwe Mwamba a "remis une invitation
aux autorités belges afin qu’une personnalité de haut niveau soit
présente à la cérémonie de prestation de serment" de Kabila. Le même
jour, Bénitha, réfugiée congolaise de 18 ans, dont la mère vit depuis
dix ans en Belgique et a la nationalité belge, a subi une tentative
d'expulsion à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem. Bénitha, qui vivait en
RDC avec sa grand-mère, a fui son pays car un homme voulait la forcer à
devenir son épouse, mais sa demande d'asile a été rejetée.
La RDC est pourtant considérée comme un pays non sûr par de
nombreuses organisations, dont l'ONG britannique Justice First, qui dans
un récent rapport recommande au Royaume-Uni de suspendre tous les
rapatriements de demandeurs d'asile congolais déboutés. Les autorités
belges, tour à tour complices et mollement emettant des critiques à l'égard de
Kabila, feraient bien de lire ce rapport. Bénitha et les habitants de
Matonge leurs en sauraient gré.
source: Gabonlibre